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La chimie et la démocratie

Article paru dans l'Actualité Chimique N°183 - septembre-octobre 1994
Rédigé par Hamelin Raymond

CP. Snow a fort justement remarqué que la culture occidentale n’était pas homogènes, elle comporte deux phases non miscibles : une littéraire et une scientifique. Cette dichotomie est largement admise et même perpétuée par l’enseignement secondaire qui dispense de connaissances scientifiques une grande partie des futurs électeurs.

La «culture littéraire» est, depuis l’Antiquité, amplement diffusée par voie orale (enseignement, politique, religion, théâtre…) et, depuis l’invention de l’imprimerie, par des écrits de tout espèce. À l’opposé, la «culture scientifique» n’a jamais imprégné qu’une mince couche de la société, ce qui a néanmoins suffi pour assurer à celle-ci un gigantesque essor industriel, donc économique. Elle est souvent apparue proche du pouvoir politique, réalité qui dissimulait sa faiblesse démographique.

Certains pouvaient alors prétendre à juste titre que le scientisme et la technocratie n’étaient pas de bons piliers pour la démocratie. Au cours des récentes décennies, le scientisme est mort et la technocratie devrait en être consolidée. Est-ce bien le cas ?

Ce n’est pas être (trop) iconoclaste d’observer que la grande majorité des élus, comme la majorité des journalistes, politologues, pamphlétaires qui forment les opinions et donc, indirectement, déterminent les résultats des élections, se réclament de la culture littéraire. Interrogez-les : ils avoueront leur ignorance totale de la chimie. Que les rares exceptions veuillent bien me pardonner !

Or, la chimie est centrale, omniprésente, comme science, comme ensemble de techniques, comme fondement d’une large part de l’économie. Comment ne pas s’interroger sur cet océan d’ignorance qui, dans une démocratie, ne peut signifier qu’une inadaptation de la société civile ?

Ne faudrait-il pas que cesse la complaisance vis-à-vis de la dichotomie des «deux cultures», qui n’est qu’une anomalie dans une démocratie véritable ? Une compréhension raisonnable des phénomènes à la base de la transformation de la matière, donc de l’industrie, de la vie quotidienne, de la vie elle-même, n’est-elle pas aussi essentielle dans les échanges entre les êtres humains et leur environnement que la grammaire ne l’est dans les échanges entre eux ?

De telles réflexions appellent une profonde évolution de l’enseignement secondaire. La connaissance des bases de la chimie devrait être ressentie PAR TOUS comme une nécessité, au même titre que la connaissance d’une ou plusieurs langues.

La réforme des programmes, présentée dans le précédent numéro de L’Actualité Chimique, va dans le bon sens, mais va-t-elle suffisamment loin ?

Raymond Hamelin
Rédacteur en chef

Couverture
À l’occasion de SFC 94, congrès de la Société Française de Chimie, L’Actualité Chimique présente la chimie dans la région lyonnaise sous ses aspects universitaires et industriels (Office du Tourisme de Lyon, Gilles Defaix).

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